L’invention au temps de la pandémie

Que devient le travail analytique avec de jeunes patients psychotiques ou autistes ? Car c’est bien cette question qui se pose à chacune de nos interventions téléphoniques ou par visioconférence. Les corps ne sont plus en présence et nous restons observateurs étrangers à la vie de famille confinée. Alors quelle boussole trouver durant cette pandémie ? Comme en témoigne Hélène Bonnaud : « La boussole de l’inconscient », mais au temps de la Skype analyse, la tâche est ardue.

Skype analyse ou Zoom analyse, les logiciels de visioconférence n’ont jamais eu autant de visiteurs. Il n’est pas simple de rencontrer nos jeunes patients par ce média. Le renvoi de leur image se fait par cette petite fenêtre et ils sont souvent captivés par celle-ci. Que pouvons-nous leur apporter à partir d’un ordinateur ou d’un téléphone portable ? La présence, la garantie que nous ne les oublions pas et qu’ils restent présents à nous, ou alors la recherche d’une certaine accroche.

Récemment, j’ai lu un conte à un de mes jeunes patients. A ma grande surprise, il s’est montré captivé et a pu, à son tour, me raconter deux histoires. A travers nos histoires respectives, il y a eu rencontre, d’une autre manière.

Néanmoins la télé séance ou la zoom consultation ne fait pas l’analyse, car, comme le dit très bien Jacques-Alain Miller :

« Se voir et se parler, cela ne fait pas une séance analytique » car « la co-présence en chair et en os est nécessaire »1.

S’il n’y a pas, en effet, de séance psychanalytique, nous intervenons auprès de ces enfants et des familles pour offrir un moment de paroles.

Cependant certaines familles se sentent contrôlées ou vivent comme un harcèlement ces appels téléphoniques de l’enseignant, de l’éducateur ou du psy. A nous d’accueillir et d’intervenir par petites touches sans nous montrer interrogateurs, même si, en raison du confinement, l’inquiétude gronde, pour des enfants persécutés, vivant la violence ou la provoquant dans certaines familles. C’est donc un travail ardu que de temporiser les difficultés de ces jeunes que nous connaissons bien. Si l’objectif est d’éviter leur admission aux urgences en vue d’une hospitalisation, nous nous écartons de l’analyse alors même que le réel est premier. Que faire de ce réel si menaçant ?

 

Notes :

  1. Miller J.-A., « Le divan. XXIème siècle. Demain la mondialisation des divans ? Vers le corps portable » Entretien, Libération, 3 juillet 1999.

 

1 commentaire

  1. […] Originally published in the site of the ASREEP-NLS on 8th April 2020. Available online. […]