Compte-rendu : « Journée sur la passe et le cartel », le samedi 9 mars à Genève
Au nouvel auditoire de pédiatrie de l’hôpital des enfants, l’ASREEP-NLS tenait une journée de travail sur la passe et le cartel. L’invitée d’honneur était Dalila Arpin, psychanalyste AME et AE (analyste de l’école) comme chacun sait, membre de l’ECF et de l’AMP.
Sous le titre « Comment s’enseigne-t-on de la psychanalyse », le programme prévoyait en matinée son témoignage de passe, avec un titre de circonstance, à la fois accrocheur et mystérieux : « devenir femme dans une analyse ».
Questionnant la position féminine, le parcours de Dalila pointait d’entrée l’obstacle de l’hystérie. Alors qu’enfant elle aimait à se faire appeler Dalilo, en écho à un désir du père d’avoir un fils, elle se présente successivement en « femme bionique » augmentée d’une « oreille » de contrôle, en « femme orchestre », en « mère toute », qui a le phallus plus qu’elle ne l’est, déclinant des mascarades qui voilent le féminin et lui valent l’admiration de tous. Et d’ajouter : « … un symptôme qui condense la liaison inconsciente de mes parents », auquel s’adjoignent un symptôme d’insomnie et un symptôme de tristesse sur fond de dépression maternelle d’autrefois, gardée secrète : TRISTESSE, MOROSITÉ, ENNUI (UNIEN), PUSILLANIMITÉ en sont les signifiants finement accrochés.
« Être hystérique n’est pas forcément être femme », dit Dalila, citant Joan Rivière.
La mort de la mère l’amènera en analyse pour une première tranche, l’impossibilité d’être mère induira une deuxième tranche, et l’être toute mère la mènera, à Paris, à l’aboutissement du parcours, entre regard et voix, le tout respectivement corrélé au partenaire symptôme.
Une contingence, à Genève lors d’un congrès préfigure la fin de l’analyse : « Je me retrouve, pas encore nommée, interprète traductrice, à la table des AE. » Un fantasme de vieille fille, un tissu d’injonctions, et la mise au jour de la fonction de l’autre femme aboutissent, entre rêves et interprétations, à la passe. Appel alors au secrétariat de la passe, rencontre avec les passeurs, avec la commission de la passe, construction de son propre cas, témoignages du vif où l’on est.
Et la poursuite encore, toujours en position d’analysant.
«L’analyse met en exergue l’UN qui compte et l’UN qui ne compte pas », dit-elle avant de conclure sur la chute du sujet supposé savoir, l’ouverture à la surprise, à « l’hétéros », le rebroussement du côté du gai savoir, de l’humour, de la légèreté, l’avènement de la femme pas toute, à la jouissance autre, dans la bonne position, ainsi qu’un désir d’analyste, sans son fantasme. Une nouvelle satisfaction est liée à la solitude : une femme seule n’est pas forcément une femme délaissée.
En guise de passage au travail de l’après-midi, Dalila rappelle le nouage entre cartel et cure, entre cartel, école et passe, la commission de la passe est un cartel, soulignant l’élément central du contrôle, à la fois externe et interne. Elle égrène aussi le rapport renouvelé à l’autre, à la jouissance, à la solitude, les épars désassortis, le hors-norme de chacun, la position féminine de tout analyste, l’UN en plus.
Suivent alors les présentations cliniques des cartels de Frédéric Pacaud et Dominique Martin, la première s’orientant du réel et de la jouissance, la seconde de la répétition sous transfert, avec Jacqueline Nanchen, présidente de table. « Elle se scarifie (se coupe) quand elle se sépare de l’autre », dit-il en citant Lacan et « l’écho dans le corps du fait qu’il y a un dire », questionnant la jouissance féminine, phallique, supplémentaire en évoquant Catherine Millet, ses écrits « Jour de souffrance » et « La vie sexuelle de Catherine M.» « Elle boit toujours le même verre », dit-elle, signalant l’itération de jouissance. « Elle voudrait un partenaire qui lui parle tout le temps ». Dominique Martin expose comment elle a pu se soutenir d’une remarque de son contrôleur pour marquer la coupure et tenter le passage de l’UN qui ne se compte pas, à l’UN qui se compte.
Dominique Rudaz, en présence de Laurence Vollin, présidente de table, déclama joliment L’Un tout seul avec Parménide.
Dalila Arpin rappela que la vérité en philosophie est vraie ou fausse, en psychanalyse elle est menteuse et sœur de jouissance.
Violaine Clément, pour le cartel Psychanalyse et Migration, déplie ensuite « l’objet, le caillou, le thème » : Quatre fribourgeois et Frank Rollier s’interrogent sur la psychanalyse à Fribourg, la création d’un lieu d’accueil pour migrants. Il faudra neuf mois pour inscrire le cartel et lui donner un nom. Un an de plus pour que chacun s’inscrive à sa place avec sa solitude subjective, pour que surgisse un lieu, et que ça s’expose. Être suisse, être psychanalyste, se taire, quand le langage est corps étranger et chaque UN, un exilé.
« Entre l’homme et le monde, il y a un mur », dit Frank Rollier, citant le poète A. Tudal.
Le point d’orgue est pour Bruno Roualdes, du cartel de lecture l’Angoisse, séminaire X de Jacques Lacan : Une clinique de l’angoisse, avec fenêtre sur « Le cri » d’E. Munch et son inquiétante étrangeté, entre regard et voix, surdité, objet aphone, objet non spécularisable, non quantifiable, au-delà de la castration, extraction de a, division et reste impossible à dire.
Sur le versant masculin, la clinique vise un organe de corps, dans la logique du fantasme, l’organe de l’embarras ; sur le versant féminin, il y a « manque de rien », la clinique alors vise le leurre et l’objet du désir.
On laisse ainsi derrière, l’Œdipe et la mythologie pour voir devant le « sens joui », l’os de la cure, l’objet derrière le cri, le silence, le regard… en vue d’une rectification subjective et d’un allégement. Merci à Dominique Tercier, présidente de table.
La journée se termine par une proposition de la commission des cartels, Violaine, Dominique, Sandra, Laurence et Jacqueline : un chapeau, des noms, des sujets, un tirage au sort ! Quatre cartels ont émergé, on leur souhaite bon vent.
Merci encore à tous et à chacun pour la part active qui s’est déployée ce samedi à Genève et merci à notre invitée Dalila Arpin pour la finesse, la légèreté, la richesse et la précision de son travail en notre compagnie. Tout(e) en féminité !