Compte-rendu : La passe dans notre Ecole et l’enseignement des AE : « Jouissance après la cure »
ETINCELLES
Etincelle: « Petit incident, faible, cause qui produit un effet important. Manifestation vive »
Le choix et la joie
Je suis très reconnaissante à René Raggenbass d’avoir soutenu jusqu’au bout le désir de réaliser cette journée historique pour notre ASREEP-NLS, qui nous a permis de recevoir à Lausanne des AE, en virtuel (Florencia) et en présence (Anne Béraud et Dossia Avdelidi). La question du rapport de chacun à sa jouissance était au cœur de cette journée, qui était une journée de l’École telle que Lacan nous l’a rêvée, École de la passe, où la communauté analytique fonctionne sur le modèle du discours analytique. Nous avons pu compter, comme toujours, sur Véronique Voruz, qui, s’appuyant sur L’os d’une cure, de Jacques-Alain Miller, a posé la question : mais où va la libido à la fin d’une cure ?
Il y a des analystes dont on peut dire : ça, c’est quelqu’un ! Se faire responsable de la psychanalyse, chacun le fait dans son style. Les AE démontrent en corps comment ils ont cédé sur la jouissance sans céder sur leur désir. Ils mo ntrent comment ils ont pu transformer leur souffrance en satisfaction.
Le désir de faire la passe à la NLS était le choix de Florencia F.C. Shanahan, et ce fut une joie pour nous de l’entendre, par zoom. Elle a pu démontrer comme son programme de jouissance a pu être désactivé, comme son Autre a pu être troué, barré. Nous avons appris qu’il n’est pas question d’idéaliser la passe, mais de considérer qu’il faut une École pour qu’il y ait la passe, et donc des analystes. Faire la passe, pour Florencia, c’était faire face à l’Autre barré, pour devenir cause de désir pour la psychanalyse.
Dosia Avdelidi avait choisi de ne pas témoigner à Lausanne, désireuse de le faire à la NLS. Elle a toutefois parlé de sa nomination comme un rêve, du Je qui vient à la place de la jouissance, et de cette découverte fondamentale, au cours de l’analyse, que la coupable de tout ce dont elle se plaignait depuis le début, c’était elle-même, découverte qui dégonfle et libère. Après la fin de l’analyse, elle est devenue complètement différente, et restée tout-à-fait la même.
Anne Béraud avait choisi, elle, de venir de loin, dans ces temps troublés, au prix de devoir à son retour chez elle se reconfiner. Nous avons été sensibles à ce cadeau d’une parole puissante : Anne nous a présenté avec beaucoup de tact et sans complaisance le nouage singulier du plus vif de sa vie, devant lequel elle n’a pas reculé, malgré l’horreur de savoir qui la retenait : ce lien funeste entre la saloperie et la jouissance. Seule la nomination de cette saloperie par l’analyste, épreuve dont elle n’était pas sortie indemne, lui avait permis de se détacher de cette jouissance nocive.
Il a été question du corps, ce corps qui chez Florencia a éclaté de rire, et qui chez Anne a cru mourir. Il a aussi été question de la tendresse que chacun peut retrouver pour soi-même, après la passe, lorsqu’on peut en arriver à ne pas regretter ses choix.
Merci enfin à Anna Aromi dont l’absence physique n’a pas empêché qu’elle soit pourtant là, parmi nous, confiante dans le désir d’École qui animait ce jour-là notre ASREEP-NLS.
Nous y étions
Jacques-Alain Miller nous dit que, pour qu’une société existe, qu’elle tienne ensemble, elle a besoin de quelque chose d’autre que des codes, des règlements, des statuts . Il faut – je cite. « une condition affective, il faut l’affectio societatis. ( texte de Jacques-Alain Miller dans La Lettre Mensuelle, n*151, juillet 1997)(Elucidación de Lacan: charlas brasileñas, Buenos Aires: Ed. EOL, Ed. Paidós, Junio de 1998)
Nous y étions, après quelques mois de travail et malgré toutes les contraintes dues à la situation sanitaire, nous nous sommes enfin réunis le 19 septembre 2020. Cette journée a eu toute son importance pour notre association, elle se place dans un des axes de la formation des analystes, telle que Lacan l’a proposée en 1967. Elle a ouvert un travail en lien avec la proposition faite par la NLS en novembre 2019, je cite: « d’organiser des événements d’enseignement des AE et sur la passe», sous le titre: « La passe dans notre École, l’enseignement des AE ». Cette journée a eu comme titre: « La jouissance après la cure », elle s’inscrit, donc, dans une logique d’école. Elle a aussi fait écho avec un désir du bureau de l’ASREEP-NLS de maintenir la psychanalyse vivante…, vivante avec toutes les résonances que ce signifiant peut avoir.
Nous y étions, car aujourd’hui plus que jamais, nous savons l’importance de la présence, de la rencontre. Aujourd’hui, nous savons que nous devons faire preuve d’inventions. A l’ère du numérique, nous n’avons pas hésité à nous appuyer sur la technologie pour garantir la présence, maintenir les liens, assurer la transmission. Ainsi, notre collègue Florencia F.C. Shanahan a pu partager avec nous son témoignage en direct, c’était précieux, elle a été avec nous, je n’utilise pas le mot virtuel. Mais pas tout n’a été possible: Anna Aromi était absente, elle nous avait accompagnés, orientés pendant toute la préparation de cette journée. Ce fut une absence qui a fait présence. Nous savons depuis Freud que la présence se modèle sur le fond d’une absence, ou au moins elle met le sujet au travail… FORT-DA.
Ainsi entre présence et absence, nos invitées ont pu témoigner des points vifs de leurs parcours analytique. Nous remercions chaleureusement Anne Béraud qui n’a pas hésité à traverser l’océan et les contraintes imposées par la pandémie, Dossia Avdelidi qui a fait l’effort de transmettre quelque chose de la jouissance à la fin de l’analyse sans faire un témoignage, et Véronique Voruz qui, par son écoute attentive et sa présence, a orienté le travail de la journée .
Voici mon étincelle prise à Pablo Neruda « Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée »
Poème 15
J’aime quand tu te tais, parce que tu es comme absente, et tu m’entends au loin, et ma voix ne t’atteint pas. On dirait que tes yeux se sont envolés, et on dirait qu’un baiser t’a clos la bouche. Comme toutes les choses sont remplies de mon âme, tu émerges des choses pleine de mon âme. Papillon de rêve, tu ressembles à mon âme et tu ressembles au mot : mélancolie. J’aime quand tu te tais et que tu es comme distante. Et tu es comme plaintive, papillon que l’on berce. Et tu m’entends au loin, et ma voix ne t’atteint pas: laisse-moi me taire avec ton silence. (…) Me gustas cuando callas porque estás como ausente. Distante y dolorosa como si hubieras muerto. Una palabra entonces, una sonrisa bastan. et je suis heureux, heureux que ce ne soit pas vrai.
Poema 15
Me gustas cuando callas porque estás como ausente, y me oyes desde lejos, y mi voz no te toca. Parece que los ojos se te hubieran volado y parece que un beso te cerrara la boca. Como todas las cosas están llenas de mi alma emerges de las cosas, llena del alma mía. Mariposa de sueño, te pareces a mi alma, y te pareces a la palabra melancolía. Me gustas cuando callas y estás como distante. Y estás como quejándote, mariposa en arrullo. Y me oyes desde lejos, y mi voz no te alcanza: déjame que me calle con el silencio tuyo. Déjame que te hable también con tu silencio claro como una lámpara, simple como un anillo. Eres como la noche, callada y constelada. Tu silencio es de estrella, tan lejano y sencillo. Me gustas cuando callas porque estás como ausente. Distante y dolorosa como si hubieras muerto. Una palabra entonces, una sonrisa bastan. Y estoy alegre, alegre de que no sea cierto.
Groupe travail de l’ASREEP de la NLS: La passe dans notre Ecole et l’enseignement des AE.