Lire l’insupportable

Contribution aux XI Journée de la NEL : “Lo insoportable de la infancia”

La distinction entre l’enfance en tant que moment traversé par un sujet d’une part, et ce qui persiste comme exigence de ce qui a été la sexualité infantile, qui résiste et insiste, d’autre part, est déjà une orientation. Orientés par l’enseignement de Lacan, nous savons que la sexualité polymorphe introduite par Freud ne trouve pas l’unification dans un soi-disant stade de développement.

Dans le séminaire XI, Lacan a introduit le concept de pulsion comme l’un des quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. « Nous rencontrons dans l’expérience, en effet, quelque chose qui a un caractère irrépressible à travers même les répressions » 1.

La pulsion émerge comme un concept rebelle, hétérogène au signifiant, mais qui est, de façon paradoxale, le résultat de l’action du signifiant dans le corps. L’incidence de ces développements dans notre clinique est que pas tout peut être abordé par les lois du signifiant. Le concept de parlêtre indique un au-delà de l’inconscient de papa2 et introduit la question du corps.

Anne Lysy-Stevens nous rappelle que, dans les années 1975, Lacan a remarqué que ce dont il s’agit est de « la langue très particulière qu’un sujet, lui aussi particulier, reçoit, dont il est « imprégné ». (…) L’inconscient est fait des marques laissées par « la rencontre de ces mots avec son corps, marques particulières car elles portent la trace du désir des parents »3.

Comment lire l’insupportable dans la clinique avec des enfants ?

On sait que c’est l’Autre social ou familial qui nomme ce qui ne fonctionne pas chez l’enfant. L’insupportable est alors une interprétation de l’Autre. Dans certains cas, l’insupportable chez l’enfant se présente comme une énigme, quelque chose qui ne peut pas être localisé dans les signifiants du couple parental. Souvent, la première réponse est normative, qui lit ce qui ne fonctionne pas comme un défaut, un comportement à corriger.

Cependant, nous savons que le symptôme, dans certains cas, émerge juste pour interroger le lien social qui parle de l’enfant.

Peut-être que nous, les analystes, devrions faire un effort pour accueillir quelque chose de l’insupportable et permettre à l’enfant de construire son symptôme. Nous devrions faire l’effort d’attraper les signifiants qui délogent l’enfant de cette place énigmatique, place qui est en soit insupportable et qui parfois provoque une pluie d’interprétations. Peut-être notre travail est-il une lecture de ce qui insiste et résiste de la pulsion.

 

Notes :

  1. Lacan, J. Séminaire XI « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse »; France, Ed. Du Seuil 2001, p. 148
  2. Cottet S. référence au titre du livre « L’inconscient de papa et le nôtre. Contribution à la clinique lacanienne »; Collection: Je est un autre dirigée par Philippe Lacadée.
  3. Lysy-Stevens, A. « Interprétation, semblant et sinthome (1ère partie) », AMP.