Faire une extraction, puis passer à autre chose

Olena Samoilova, psychanalyste à Kiev, Membre de la NLS, et de l’AMP.

Conversation avec Olena Samoilova par Zoom, le 11 juillet 2022.

Violaine Clément : Merci à vous, Olena, d’accepter cette conversation après votre retour à Kiev de Lausanne, où vous avez pris la parole par deux fois lors de notre congrès de la NLS. J’ai été frappée par votre parole. Pour commencer, pouvez-vous nous raconter comment s’est produit ce petit miracle qui a fait que vous avez pu venir chez nous ?

Olena Samoilova : Ce n’est pas du tout un miracle : ça prend plus de temps qu’habituellement, parce qu’on n’a plus d’avion.  Mais je ne viens à aucun congrès si je n’ai pas la possibilité de venir pour mon analyse. Parce que je poursuis mon analyse en Belgique. Pour moi, c’est lié. Même avant la guerre, on n’avait pas beaucoup de possibilités de voyager, en fait. Pour moi, c’est d’abord : je vais pour mon analyse, et si j’y suis, je peux faire un petit tour pour le congrès où je peux assister en présence. C’est comme ça (rire).

V.C. : Mais ça, c’est assez merveilleux, beaucoup de gens ne seraient pas d’accord de faire dix kilomètres pour leur analyse. Est-ce dès lors une analyse, lorsque le désir est si peu engageant ? C’est parce que vous avez du désir que vous vous déplacez.

O.S. : Oui !  Si je désire faire une analyse lacanienne, je dois être analysante. Et comme il n’y a pas d’analyste lacanien en Ukraine, je suis obligée de suivre mon analyse quelque part.

V.C. : En tout cas, on a entendu qu’il y avait vous. Parce que la manière dont vous avez parlé de votre travail prouve assez que vous êtes orientée par l’analyse.  Cette situation était pour moi très parlante, avec la bombe qui a permis à quelqu’un de prendre la parole, pour dire : j’ai été interrompu.

O.S. : Ce n’était pas la bombe, c’était le son des sirènes, le son de l’alerte anti-aérienne, qui était très fort chez elle. Au début de cette séance, elle a dit que c’était un son qui l’embêtait.

V.C. :  Et le commentaire d’Alexandre Stevens qui demandait si c’était bien sage de continuer, alors même que les alertes devraient vous faire courir aux abris. Est-ce bien sage de continuer la séance ? Vous disiez oui ! 

O.S. : Oui, dans mon texte, je disais que c’était le son de l’alerte qui l’a fait taire ainsi que moi. C’est quelque chose d’important : quelque chose du réel, qui fait coupure.

V.C. : Quelque chose du réel qui fait coupure, et dont elle peut dire ensuite qu’elle a été interrompue. Mais c’est vous qui nous transmettez ça, et c’était très puissant. Vous continuez donc à travailler, comme psychologue ?

O.S. : Oui, je continue à travailler , comme psychologue de formation, mais ma pratique est orientée par la psychanalyse. Je travaille aussi dans l’école pour les enfants en difficulté langagière : il y a des autistes, des enfants avec psychose, je fais les deux. Ce cas est un cas de ma pratique privée. On peut dire que pour chaque patient, c’est singulier. Pour cette patiente, l’idée de la singularité était quelque chose qui l’envahissait, qui se répétait : tout se décompose, je ne suis pas normale. La répétition était là. Certes, la règle qui veut que si j’entends l’alerte, je dois partir, c’est la même chaîne, en fait. Donc je fais quelque chose qui n’est pas normal.

V.C. : C’est ça ! Vous ne partez pas, et elle non plus !

O.S. : Elle n’est jamais partie, en fait ! C’est quelque chose qu’elle m’a avoué : elle ne part pas ! Elle reste dans sa chambre, ou au travail, mais elle ne part pas. C’est important, je pense que c’est un moment de désespoir radical, et c’est ça qui nous pousse en analyse, je crois, le poids du désespoir.

V.C. : C’est ce que vous dites à la fin de votre texte : chacun de nous est confronté à ce point. Ce que vous dites à la fin de votre texte : j’entends chez moi cette volonté de faire taire. Ça, c’est très puissant, parce que si on le méconnaît chez soi, ce point -là, on ne peut pas incarner ce vide, ou au moins l’ouvrir, pour celui qui vient dire. Avez-vous l’impression que des choses ont changé pour vous depuis le 24 février ?

O.S. : C’est une très bonne question, pas très facile. Parce que, d’un côté, il y a des choses qui ont changé, mais de l’autre côté, il y a juste des choses qui se sont découvertes. C’est ce que je dis lorsque je dis qu’on ne choisit jamais un cas à présenter par hasard. Cette phrase, qui m’a beaucoup frappée, quand elle est revenue en présence et qu’elle m’a dit : est-ce aussi pour vous une première séance, comme pour moi ? Ça m’a frappée, c’est quelque chose qu’on lit à neuf. On le répète dans tous les séminaires, dans tous les textes, que si on rencontre quelqu’un qui est hystérique, il faut oublier tout ce qu’on a lu sur l’hystérie, comme sur l’obsession, l’autisme, la psychose. On le lit, mais c’est quelque chose qu’il faut vivre, il faut avoir vécu ça dans le moment, chaque fois. Elle est venue en apportant son corps avec elle, pour la première fois, même si c’est quelqu’un que j’accompagne depuis déjà deux ans.

V.C. : C’est la première fois qu’elle a apporté son Autre, son corps. Et cette séance-là, c’était comme du nouveau, une marque nouvelle.

O.S. : Oui ! Cette patiente m’a appris beaucoup de choses, comme lorsqu’elle dit qu’elle ne peut pas avancer, se plaignant qu’elle ne peut faire qu’un seul pas. Je lui dis que, quand même, elle peut ne pas en faire un deuxième, mais dire qu’elle peut faire un seul pas, c’est quelque chose qui s’inscrit, en fait.

V.C. : Pour vous, d’arriver à l’inscrire comme ça ne va pas sans cet appareil de savoir que nous offre l’École, mais pas non plus sans la présence réelle de votre corps, que vous lui offrez. C’est pour cela que votre dire et votre énonciation ont été si forts à Lausanne. C’est pour cela que j’ai entendu « bombe » alors que vous aviez clairement parlé (et aussi écrit, car j’ai reçu votre texte) de sirènes… Ça fait penser à cette phrase reprise par Lacan : Un instant plus tard, la bombe éclatait ! Dans chaque séance, il y a ça, et c’est ce qu’elle vous a appris, comment chaque séance, quand on amène son corps, c’est un premier pas. Et votre prise de parole à la NLS à Lausanne, ça a aussi été un premier pas. Vous avez amené une considération clinique importante, la transformation des humanitaires en militaires. Comment pourrait-on faire pour éviter que les psychanalystes ne soient considérés comme des militants, ainsi par les défenseurs de la cause trans ? Nous savons qu’il s’agit de tout autre chose. Dans votre pratique, à quel moment avez-vous saisi ce passage ?

O.S. : C’est mon expérience assez courte, mais très intéressante, de mon travail avec ces bénévoles de la défense territoriale. J’ai accepté ce travail à la demande du commandement de la défense territoriale ; c’est intéressant de se demander pourquoi ils ont choisi une praticienne orientée par la psychanalyse (rire). C’est une question de transfert, aussi ! C’est quelque chose dont une grande partie de ces gens, des civils, ont témoigné : plusieurs d’entre eux, des civils, ont commencé leur combat, ont commencé leur action au début de la guerre en devenant des bénévoles humanitaires, mais, une ou deux semaines plus tard, ils sont déjà inscrits à la défense territoriale : ils prennent les armes, ils vont à leur poste, et maintenant qu’on n’a plus besoin de défense territoriale, une grande partie est devenue une armée. C’est vraiment cette dimension dont je parlais, de l’Autre méchant.

V.C. : Lacan parlait en effet de l’humanitairerie de commande dont il nous recommandait de nous méfier, faisant résonner l’équivoque avec taire.

O.S. : Vraiment, c’est ça, c’est aussi moi qui suis méchant, en fait !

V.C. : C’est ça que vous faites bien entendre. Ce dégât qu’est la guerre, et qui vous pousse à prendre la parole, est-ce que vous ne trouvez pas qu’il y a chez vous quelque chose dont vous pouvez vous servir pour faire un pas supplémentaire ?

O.S. : Honnêtement, c’est la seule fois où j’ai pris la parole, de mon initiative. C’était effectivement deux jours après le début de la guerre, dans le forum organisé par Mikaël et Youri. Toutes les autres fois, c’était quelqu’un d’autre qui me tirait de ma cachette, en m’invitant à parler, à dire quelque chose. Pour moi, c’est un effort de parler. C’est quelque chose qui se passe aussi en analyse : il faut qu’il y ait quelqu’un grâce à qui, grâce à l’acte de qui tu puisses dire à un moment donné quelque chose que tu ne voulais pas entendre.

V.C. : Dans le début du COVID, nous avons été très frappés par le dire de Bernard Seynhaeve qui disait que la réponse au COVID était le silence. C’est ainsi que nous avons créé ce blog, en réponse à l’impossibilité de se rencontrer, de voyager. Et on voit que vous, en réponse à cette guerre, vous avez cette jolie expression, sortir de la cachette.

O.S. : Oui, sortir de la cachette. Et c’était le deuxième jour, ce forum… Et quand tu vois les combats aériens de ton balcon, tu te dis qu’il se passe quelque chose d’irréparable. C’est comme si c’était le dernier jour de ta vie. Et tu prends la parole.

V.C. : Il fallait ça pour que vous preniez la parole, que ce soit le dernier jour de votre vie.

O.S. : (rires) Peut-être ! La première séance, c’est le dernier jour de ma vie.

V.C. : C’est ce mot de mon analyste dans un moment très difficile de ma vie, me demandant comment on dit condamné à mort, en deux lettres, pour les mots croisés (que Lacan recommandait aux analystes pour leur formation). La réponse, c’était : ! Oui, du moment que nous sommes nés, nous avons encore à devenir parlants, si on peut, parce qu’il faut un certain courage pour prendre la parole.

O.S. : Tout à fait ! C’est compliqué, c’est aussi ce qui se passait pour la table ronde, cette initiative de Daniel Roy, Ève Miller-Rose, Ruzanna Hakobyan, pour qu’on parle, même si on n’en a pas envie.

V.C. : Oui, il faut aussi cette École pour qu’on puisse vous donner une place pour parler, une estrade pour qu’on vous voie, et qu’on vous entende. J’ai trouvé ça très fort, le 26 février. J’ai tout écouté. Tellement surprise du courage de chacun. Et c’est pour ça que la table ronde à Lausanne va compter comme un événement princeps de notre orientation. Ce n’est pas pour rien que Jacques-Alain Miller s’est déplacé en corps. Pour qu’il y ait parole, il faut un corps, et un lieu. Merci à vous d’être venue. Parce que sans vous, ce n’aurait pas été la même chose. C’est ainsi que j’ai trouvé bizarre ce que vous me disiez à Lausanne quand je saluais votre courage. Vous me disiez que vous, vous ne risquiez rien, mais que pour nos collègues russes, c’était plus compliqué. Ce n’est pas faux. Mais je pense que vous risquez beaucoup, que prendre la parole, c’est toujours un risque.

O.S. : C’est toujours un risque, quand on prend la parole. C’est pour ça qu’on préfère faire du blabla.

V.C. (rires ) Oui ! Je trouve aussi que dans cette conversation, il y a aussi un peu de blabla, il faut ! Parce que s’il n’y avait que de la parole pleine, est-ce qu’on pourrait supporter ?

O.S. : C’est insupportable, c’est ça ! Pour moi, ce qui reste de la séance analytique c’est ce silence,, ou cette interprétation. Qui interprète et comment ? Parfois, il faut faire no comments !

V.C. : Parfois, il vaut mieux se taire ! mais aujourd’hui, notre orientation n’est pas la psychanalyse de grand-papa : il y a le divan, il y a le silence, mais pas pour tous. On voit bien dans ce que vous avez dit, dans les cas présentés au congrès : un psychanalyste qui jouerait à faire le psychanalyste serait à côté de la plaque, non ?

O.S. : Oui oui ! Mais vraiment, la peur de la singularité du sujet, c’est insupportable ! La singularité a à voir avec la parole pleine, avec ce dont on ne peut rien dire.

V.C. : On cherche la différence absolue, mais on fait beaucoup d’efforts pour ne pas la trouver, parce que le jour où on se retrouve face à ça, c’est insupportable. Vous parlez de l’Autre méchant. C’est plus facile de considérer que c’est celui d’en face qui est méchant. Vous l’avez bien démontré. Ce qui m’a frappée aussi, c’est que vous avez dit que prendre appui sur la psychanalyse vous est indispensable. Vous l’avez dit, et tous les autres collègues aussi. En quoi l’est-elle, pour vous, encore plus maintenant ?

O.S. : Peut-être est-ce un défi pour nous tous maintenant, et particulièrement pour nos collègues qui ont pris la décision subjective de rester à Moscou, Saint-Pétersbourg ou Novossibirsk. On fait avec, on traite ce qu’on rencontre, on doit rencontrer ce qu’on rencontre. Ni plus, ni moins. Et ça, c’est vraiment le pivot de la psychanalyse. C’est ce qui nous permet de poursuivre. C’est peut-être aussi quelque chose qui nous unit, et c’est pourquoi dans la NLS, avec ces collègues, nous sommes devenus plus amis que jamais.

V.C. : Vous dites qu’un des bénéfices secondaires de la guerre, comme c’est le cas pour les maladies, c’est que les psychanalystes d’ici et de là-bas se parlent, on est obligé.

O.S. : On est obligé d’écouter et d’entendre ce réel, de faire avec ce réel : être attentif au réel, c’est peut-être notre destin de psychanalyste. C’est pour ça qu’on est devenus psychanalystes : on ne peut pas ignorer le réel. C’est quelque chose d’indispensable, de vraiment inédit.

V.C. : Et l’avenir, comment pensez-vous que nous, vos collègues de la NLS, puissions vous offrir ?

O.S. : Je pense que ce qui est important, c’est qu’on fasse le job. C’est pour cela que j’ai remercié Alexandre Stevens de m’avoir invitée, parce que je n’avais pas contribué pour la section clinique avant, en envoyant un cas. C’était son initiative de donner la place pour parler de la pratique psychanalytique dans des conditions douteuses pour cette dernière, c’était aussi un certain risque. C’est vraiment du côté du job : les initiatives, les échanges, on invente, on travaille. On est attentifs à ce qui se passe, on ne l’ignore pas, on fait ces échanges parmi nous. C’est peut-être le mieux qu’on puisse faire.

V.C. : Actuellement, vous êtes sortie de votre cachette, et plutôt que de vous demander ce que nous pouvons vous apporter, je ferais mieux de rappeler ce que vous nous apportez : le texte de Freud, travaillé le 26 février, Pourquoi la guerre, ne disait rien de ce qui se passe une fois que la bombe a éclaté. Et c’est là que vous nous apportez du nouveau sur comment on peut faire sous la dictature, la guerre, la peur. C’est vrai qu’il y a d’autres pays qui ont vécu ça. Ce qui arrive ici se passe très près de chez nous.  Merci à Alexandre Stevens, mais merci aussi à Olena. Ce que vous nous avez transmis est très singulier. En avez-vous conscience ?

O.S. : Je sens ça comme si quelque chose était parlé par moi.

V.C. :  Oui, ça parle vous.

O.S. : C’est compliqué, parce que cela n’a rien à voir avec quelque chose que j’aurais passé des nuits à préparer, cherchant comment bien dire, comme quand je veux présenter un cas. Ce n’est pas ça du tout. C’est plutôt du côté de la souffrance de parler.

V.C. :  On sait que les oiseaux chantent quand ils ont mal. C’est peut-être aussi le cas chez les humains, qui parlent quand ça ne va pas. Ce que je trouve aussi formidable, c’est votre humour.  Cette propension à l’humour, que vous partagez avec les collègues russes et ukrainiens, c’est quelque chose qui nous impressionne, nous, Suisses, réputés lents et placides. Est-ce culturel ? Freud parlait de la nécessité de la dritte Person. Peut-on rire tout seul, sans être un peu fou ? On ne peut pas rire seulement de l’autre.  Quel est votre rapport à l’humour, singulièrement, et collectivement ?

O.S. : Nous sommes tous, avec les collègues russes et ukrainiens, héritiers de l’époque soviétique, en fait. L’humour nous a toujours permis de faire un peu avec la censure, avec cette folie du totalitarisme, avec ce délire. Et c’est quelque chose qui se passe aussi parce qu’on a une crise en Ukraine tous les cinq ans. Ce n’est pas possible d’être toujours sérieux. Ainsi, quand ma patiente dit sérieusement que tout se décompose, que tout n’est qu’une poussière, c’est le Witz qui surgit dans ce moment de cette séance, quand elle a dit : « J’ai été interrompue ». Et elle rit un peu ! C’était le plaisir de ce Witz, c’est quelque chose qui nous permet de faire ce blabla dont on a besoin : on a besoin de petits semblants, de bulles sur la surface, si vous voulez, même si c’est une bulle de savon, on en a envie ! (rires)

V.C. : Ce qu’on entend avec ces bulles de savon, c’est la question de la vie, terriblement puissante. L’idée de la pulsion de mort, qu’on voit là partout, dès le début de la guerre, on a assisté à un déploiement de cette pulsion de mort, au premier plan sur tous les écrans, comme si on avait enfin quelque chose de passionnant à montrer. Une journaliste me disait qu’elle avait l’impression que ses collègues jouissaient de ce qui arrivait. Ça donne à parler dans les médias, c’est horrible.

O.S. : C’est horrible ! Chez nous, c’est aussi quelque chose qui fait parler. Après, je pensais beaucoup, en rentrant à Kiev – mon voyage de retour a été très long – je pensais beaucoup à cette table ronde, et j’ai compris une chose, à savoir qu’il faut faire une extraction, et passer à autre chose. C’est aussi l’humour qui nous permet ça, de faire une extraction, et de passer à autre chose.

V.C. : C’est ça, sinon on reste scotché, figé. La psychanalyse est une science-fiction qui permet de se rendre compte qu’il y a fiction, et qu’on peut passer à une autre fiction (ou fixion), et qu’on peut essayer de tricoter quelque chose, à la manière des femmes, crocheter.

O.S. : Tout à fait !

V.C. : Vous avez l’impression que pour les hommes, actuellement, en Ukraine, il est possible de plaisanter avec cette obligation qui leur est faite de servir dans l’armée ? 

O.S. : On a aussi beaucoup de blagues sur ce sujet, de différentes sortes, des Witz, mais aussi de l’ironie ou du sarcasme (rire). C’est aussi quelque chose qui mécontente beaucoup de gens, qui déposent plainte, font des pétitions. Il y a toute la diversité des opinions.

V.C. : C’est possible dans votre pays, dans ces conditions, de s’opposer ?

O.S. : Oui, tout à fait. On peut s’opposer, notre président n’interdit pas qu’on s’oppose. On peut dire qu’on n’est pas content.

V.C. : On peut dire qu’on n’est pas content. Mais votre président en tient-il compte, ou n’est-ce que du blabla ?

O.S. : Ça dépend aussi. Pour lui, il y a actuellement beaucoup de défis. Il reçoit des rapports de son commandement, avec les informations sur les pertes, et des demandes qu’il faut préparer plus de gens, entraîner plus de gens, et de l’autre côté, il y a des gens qui préféreraient attendre, ne pas participer. Donc il doit diriger, en fait, c’est la politique, on ne sait jamais s’il entend, ou s’il fait semblant qu’il entend, ou s’il fait semblant qu’il n’a pas entendu (rire).

V.C. : C’est la politique ! On dit dans notre champ que l’inconscient, c’est la politique. Vous avez une jolie façon de ne pas trop y croire, à ce dire de la politique, pour laisser une place à l’inconscient de chacun. L’inconscient non collectif. 

Avez-vous quelque chose à dire, de votre côté, qui ne soit pas en réponse à mes questions ? Sinon, on va donc s’arrêter là, et il s’agit dès lors de se poser la question de ce que  chacune de nous a pu dire de sa vie privée. Mais c’était formidable, l’énergie que vous avez mise pour donner aux collègues un aperçu de ce que vous vivez en tant qu’analyste, dans un pays en difficulté. J’espère que nous aurons l’occasion de travailler ensemble.

O.S. : C’est peut-être ça que je voudrais dire, mon souhait qu’on travaille plus ensemble, avec les collègues d’autres pays, qu’on ait plus d’échanges, plus d’inventions. Parce que ça se réduit toujours aux séminaires, aux exposés, aux discussions de cas cliniques. C’est très important, c’est la base, mais peut-être qu’on peut aussi inventer quelque chose.

V.C. : Oui, parce que tout ce qui n’est pas obligatoire n’est pas interdit, et qu’on a le droit à des initiatives. Je trouve qu’on a la place pour faire ce qui nous semble important, même si personne ne le demande, ni ne l’interdit, comme ce blog. Je dois dire que votre position m’intéresse, je vais interviewer aussi Inga Metreveli : votre position, la position des femmes, qui ne prennent pas facilement la parole, m’intéresse. Merci d’avoir accepté…

O.S. : Merci Violaine de ces questions, de cette conversation !