L’objet cause du désir

Conversation avec Rosa Elena Manzetti, le 4 novembre 2020, par Violaine Clément.

Violaine Clément : Merci beaucoup chère Rosa Elena Manzetti d’avoir accepté cette conversation au moment où commence en Suisse la deuxième vague, très dure actuellement à Fribourg.

J’ai été frappée de la vivacité de l’École de Turin. Vous n’êtes pas pour rien dans cette capacité de travail et cette vivacité. Comment expliquez-vous la multiplication des psychanalystes et des AE chez vous ?

Rosa Elena Manzetti : Alors… Comment dire ? J’ai commencé (Rosa-Elena parle en italien, et parfois elle commence en français, pour revenir en italien quand elle s’en rend compte) cette expérience dans le champ de la psychanalyse, il y a de nombreuses années, et très tôt avec le désir de transmettre et d’enseigner la psychanalyse. J’avais terminé une analyse freudienne et peu de temps après j’avais commencé une nouvelle analyse avec un psychanalyste lacanien. J’ai commencé d’une certaine façon à faire des séminaires où je lisais avec une dizaine d’autres personnes et puis j’essayais de commenter comme je pouvais, parce que j’étais jeune (rires), quelques séminaires de Lacan. Après quelques années, certains jeunes, Sergio Caretto, Paola Bolgiani, Silvia Morrone et d’autres, ont commencé à venir au séminaire. Et puis, à un certain moment, ils ont commencé une analyse. Pendant ce temps, mon désir allait de l’avant, mais aussi mon élaboration personnelle et est né en moi un désir que je ne savais pas bien comment mettre en acte, un désir, qui me venait de très loin, quand j’avais dix- sept ans, environ : je lisais Freud, et je me disais (avec passion) : Ah, mais comme c’est intéressant, ça ! C’est pour cela que je n’ai eu aucun doute sur la route à suivre et que j’ai parcourue. Ce désir de transmettre, d’abord dans l’analyse, parce que c’est là que se transmet la psychanalyse, et aussi de me mettre au travail avec d’autres.

A Turin, j’étais seule. Il y avait d’autres lacaniens, qui faisaient partie du groupe de Melman.

VC : De l’ALI

REM : Exactement. Je me souviens que j’avais fait une rencontre avec l’une de ces personnes, qui se posaient la question, et qui me la posaient : mais pourquoi faire des séminaires ? L’enseignement pour eux, c’était apprendre seul… Mais non, mon désir était plus fort.

VC : Eux cherchaient un maître, pour vous le maître était déjà là, c’était le désir.

REM : Oui! c’est ça. Et alors, outre les séminaires que je faisais en général d’octobre novembre à mai, et qui produisaient du reste aussi des discussions : je connaissais bien une librairie dans laquelle je faisais le séminaire, où il y avait quarante, cinquante personnes, heureusement, en somme… Petit à petit pour les quelques-uns, qui avaient commencé une analyse, et avaient une exigence de plus que le séminaire, j’ai commencé à proposer d’abord un cartel où je faisais le Plus-Un, et puis piano piano, j’ai fait en sorte que ce soit eux qui puissent se mettre à faire cartel, au-delà de moi. Et peu à peu, les années ont passé, ces personnes ont mené leur analyse à son terme… J’ai considéré qu’il y avait eu quelque chose, qu’il y a encore : aujourd’hui nous avons trois AE, et ça, c’est fantastique, parce cela pousse la structure de l’École.

VC : C’est ça que j’ai constaté lorsque, venue à Turin en course d’école, j’ai fait faux bond à mes collègues pour participer à votre séminaire sur Antigone, et que j’ai fait la connaissance de Davide Pegoraro. J’ai constaté ce désir très vif que vous avez de faire séminaire au sens des graines dont parle Jacques-Alain Miller. Sergio Caretto a parlé, lui, des fraises comme preuve de la transmission de la psychanalyse. Il disait : cherchez les fraises ! Donc quand j’ai vu les fraises qui poussent à Turin, j’ai cherché le laboureur, le jardinier. J’ai compris que c’était vous, et je vous dis : bravo et merci de ce que ça permet de faire rayonner. C’est très joyeux. Dans ce petit livre1, vous parlez de Télévision, et vous rapportez ce dire de Lacan qui trouvait qu’il n’y avait pas beaucoup de saints avec lesquels rire. Chez vous, j’ai toujours senti quelque chose de la joie. Est-ce que c’est ça qui provoque le désir ?

REM : Je pense en effet qu’il y a quelque chose de ça. Au début, c’était un peu éprouvant (faticoso), mais peu à peu a commencé à se dérouler ce travail (lavoro) que vous avez constaté qu’il y a à Turin. Nous avons eu des scansions, un peu comme dans une analyse. Dans le sens qu’au début, j’avais à cœur de faire en sorte que chacun puisse trouver sa manière de s’inclure dans le discours analytique, et puis que chacun trouve la voie pour dire, laisser sortir des choses, pour arriver à converser avec les autres. Pendant ce temps, nous avions même commencé la section clinique, dans ce cas en particulier, avec les amis que vous avez nommés, les AE, et aussi quelques autres. Alors je cherchais la manière et je leur proposais d’intervenir, de poser des questions, de faire un petit commentaire sur quelque chose. Et je pense que c’est ceci – certes, il y avait mon désir qui ne désistait pas -mais cela a conduit au point où j’ai constaté que ce désir faisait transmission, parce que je le voyais dans les rapports (relazioni). Il y a toujours, surtout des plus jeunes, qui ont encore l’idée que la psychanalyse résout les symptômes. Ça, c’est en relation avec le temps de leur analyse. Et donc on doit être toujours attentif au temps de chacun. Comme partout Il y a par moments de petits conflits, que nous cherchons à soumettre au travail du dire. Je mets ça, cette expérience de transmission, en relation avec la structure du Witz.

VC : Comment traduit-on ça en italien, le Witz ?

REM : Motto di spirito, le mot d’esprit.

VC : Ce n’est pas la battuta (plaisanterie)…

REM : Non, ce n’est pas la battuta, où n’émerge pas autant le réel.

VC : Et vous avez aussi traduit des textes en italien, parce que tous les textes n’étaient pas compris, reçus, traduits, c’est un travail incroyable aussi !

REM : Oui, quand j’ai commencé à lire Lacan, je le lisais en français, et je traduisais des parties des séminaires pour ceux qui ne savaient pas le français. Le premier séminaire de Lacan est sorti en Italie en 1978, mais en 1974, les Écrits étaient déjà sortis. J’avais un lien avec une librairie importante dans la ville de Turin, où je faisais un séminaire de psychanalyse et où j’organisais aussi des activités culturelles, invitant des intellectuels, des écrivains, ce qui, d’après moi, aidait aussi le débat avec d’autres discours. Après la sortie du premier séminaire de Lacan en italien, nous avons invité Jacques-Alain Miller et Éric Laurent pour une conférence. C’était un rendez-vous très important, parce que c’était le moment de la dissolution par Lacan de son école. Beaucoup de lacaniens d’Italie sont venus, parce qu’ils voulaient entendre ce qui se passait, et parce qu’ils se posaient des questions concernant la dissolution. Ceci a été assurément très important.

Même maintenant, nous considérons très important d’inviter des collègues et amis français, espagnols et suisses, etc… Par exemple, Marie-Hélène Brousse, qui travaille avec nous chaque année, fera vendredi 13 novembre prochain une intervention à la Biennale Tecnologia qui se déroule à Turin, sur le thème : Psicoanalisi e tecnologia, qu’on peut suivre on line.

VC : Ça tombe bien !

REM : Nous collaborons aussi beaucoup avec des spécialistes d’autres disciplines. Il y a une semaine, nous avons fait une conversation sous le titre Nouages entre l’individuel et le collectif, Annodamenti fra Individuale e collettivo. Ce qui reste du corps parlant. Il y avait plus de quatre-vingt-dix personnes connectées online et nous avons conversé avec des professeurs de psychologie de l’Université de Turin, avec des artistes, des philosophes, des enseignants. En même temps, avec une dizaine de membres de Turin de la SLP, nous sommes en train de faire un séminaire sur les affects, Que dit la psychanalyse sur les affects. Nous le faisions en présence en octobre, au Circolo dei lettori mais depuis les deux derniers lundis, nous ne le pouvons plus faire en présence, à cause du COVID, donc on le fait on line.

VC : On peut dire que vous, rien ne vous arrête !

REM : Quelque chose peut-être, oui, comme tous, m’arrêtera, la mort ! (rires)

VC : Peut-on dire que de savoir que la mort, ça va venir, c’est ça qui vous rend vivante ?

REM : C’est sûr, je suis joyeuse et vivante, et je vois aussi les autres comme ça quand on travaille ensemble. Les amis étrangers que nous invitons parfois nous disent qu’à Turin ils trouvent de la joie. Assurément j’y ai mis du mien, je le mets encore, même si je considère fondamental de me mettre de plus en plus en retrait, sans me retirer pour autant. Je cherche à occuper, dans le collectif aussi surtout, la place d’objet qui met au travail.

VC : Ah ben oui, vous êtes l’objet a de Turin ! (rires)

REM : Nous discutons beaucoup, collectivement, dans nos réunions, autant des aspects organisationnels qui sont fondamentaux parce que l’organisation structure quelque chose, que de clinique. Par exemple à Turin, depuis un peu plus de vingt ans déjà, nous avons constitué un centre de consultation et de traitement du malaise contemporain, un peu comme les…les CPCT en France ?

Voilà. Je suis la directrice clinique du Cepsi. Et toutes les semaines, nous avons une heure et demie de travail ensemble sur les cas et je trouve que ces conversations collectives sont une formation très importante.

VC : On voit bien comment cette fonction d’objet a, chez vous, c’est un peu comme le sparadrap du capitaine Hadock, vous n’arrivez pas à vous en débarrasser (rires) ! C’est une position bien différente de celle du maître. On n’a rien envie de vous prendre, mais de faire avec vous… C’est quelque chose de très féminin chez vous, quelque chose d’encore trop rare dans le champ de la psychanalyse, qu’on retrouve aussi chez Anna Aromi, par exemple qui est joyeux, mais aussi sérieux.

REM : Ah oui oui, c’est sûr ! Je ne réussis pas à m’en détacher, aussi parce qu’il me vient toujours une autre idée (rire).

VC : Inarrêtable…

REM : C’est vrai. Comme par exemple, il y a trois ans, réfléchissant sur la manière dont se développaient les choses à Turin, je me suis dit que c’était le moment, puisqu’il y avait déjà eu deux AE, puis un troisième, puis d’autres AE, de mettre en jeu non seulement la section clinique, où tellement de personnes intervenaient à des niveaux divers, et où nous invitions aussi des amis d’autres pays, mais que nous prenions aussi la responsabilité de faire un séminaire en notre nom. Il ne sert à rien de se lamenter et de dire que notre société est contre la psychanalyse. Ça ne sert à rien d’autre qu’à rester là, planté dans la position de victime. La question est : comment nous nous y incluons. Donc nous avons commencé à faire ce séminaire avec tous les membres de l’École qui se trouvent à Turin ou dans le Piémont, qui désirent s’engager. Je trouve important que chacun prenne ses responsabilités. Donc ce séminaire « Seminario di Psicoanalisi Lacaniana », que nous faisons depuis trois ans, la première année, c’était le séminaire de Rosa Elena Manzetti et des autres. Maintenant c’est le séminaire de plusieurs membres de Turin de la SLP. La question est : comment faire en sorte que chacun sente que la responsabilité est celle de celui qui dit, quand l’Autre n’existe pas.

VC : J’ai trouvé intéressant justement ce que vous disiez de votre démarrage à Turin, d’autant que je viens de créer un cartel qui est inscrit à la NLS avec des gens qui ne sont pas de notre École sur le thème : Pourquoi une École de psychanalyse ? C’est important de parler avec ceux qui ne sont pas déjà dedans, non ? Il faut se méfier d’une association des psychanalystes, qui pourrait devenir une SAMCDA, et offrirait à l’Autre-qui-existe la possibilité de nous dire quoi faire et comment… C’est pour ça qu’il faut discuter avec d’autres. Est-ce que d’être la seule et de devoir discuter avec d’autres vous a justement contrainte à dire mieux ?

REM : Oui, c’est exactement comme ça. D’autant que moi je ne vivais pas à Turin quand j’étais jeune. J’étais d’une petite ville, très importante, parce qu’il y avait les fabriques d’Olivetti, les machines à écrire. Adriano Olivetti, le patron, était quelqu’un qui tenait beaucoup à la culture. Ça aussi, c’était quelque chose d’important pour moi parce j’ai travaillé là pendant deux ou trois ans, avant de me dédier complètement au travail de psychanalyste. Adriano Olivetti avait constitué un centre de psychologie. Cesare Musatti, un des premiers psychanalystes italiens, le plus important en Italie à cette époque-là, venait dans ce centre qu’il avait constitué. J’avais aussi une amie avec qui je parlais de Lacan. Mais la première fois que j’ai été vraiment prise, ça a été à la bibliothèque de ce centre, quand j’ai trouvé les Écrits de Lacan, les premiers à être sortis en italien.

VC : Génial ! Et c’est là que vous avez découvert Lacan !

REM : Oui, j’avais entendu parler de lui, et en outre j’avais une amie qui habitait dans cette petite ville, qui s’appelle Ivrea, au pied des montagnes d’Aoste, qui avait un peu lu Lacan. Mais j’ai commencé à lire Lacan dès que j’ai trouvé les Écrits dans cette bibliothèque. Cette petite ville était très vivante quand Adriano Olivetti était vivant. C’était vraiment un laboratoire d’intellectuels qu’il avait créé. Après j’ai commencé à discuter avec cette amie qui fréquentait de petits groupes lacaniens de discussions.

VC : La contagion ! Nous avons appelé notre blog Le virus de la psychanalyse, un peu audacieusement au moment de l’apparition de ce virus, cette appellation est d’Alexandra Clerc, mon amie, justement la cousine d’Olivier Clerc, avec qui je vis, et qui est celui qui m’a fait découvrir, tardivement, Lacan.

En Albanie aussi, j’ai découvert que les gens trouvaient Freud formidable mais regrettaient qu’il n’existe pas de traduction en albanais. Pourtant, lorsque j’ai cherché dans la ville de Vlorë, j’ai trouvé un panneau entier de livres de Freud, écrits en cyrillique. Je me disais qu’on ne trouve que ce qu’on veut. C’est ainsi que votre technique est la seule possible, de faire soi-même ce qu’on peut.

Comment faites-vous actuellement pour recevoir les patients ?

REM : Nous faisons officiellement partie en Italie des services sanitaires, comme les médecins. Et donc, que ce soit lors du premier confinement ou du deuxième, nous pouvons, et même on nous encourage vivement, à effectuer notre travail, parce que les personnes sont très angoissées. Donc je continue à recevoir des patients. Certes, il y a des personnes qui viennent d’autres villes d’Italie, qui ne peuvent pas venir. Alors, pour certaines personnes, qui me l’ont demandé j’ai maintenu un lien par téléphone. J’ai choisi le téléphone parce que je trouve très compliqué ces moyens, par ailleurs formidables, qui nous permettent maintenant de converser, de nous regarder, etc. Ayant fait tellement d’activités cette année au moyen des plates-formes, j’ai constaté que d’une certaine manière, elles produisent beaucoup de fatigue. Ça fait partie du malaise dans la civilisation aujourd’hui.

VC : C’est aussi ce que m’a dit Véronique Voruz, qui a précisé un point analytiquement précieux : elle qui travaille depuis longtemps avec ces moyens a compris qu’après avoir tenté, dans un premier temps, de remplir l’absence, de combler le vide, elle a travaillé ce point en contrôle et a pu céder là-dessus. J’ai trouvé intéressant ce qui rappelle aussi ce que Freud a fait en allongeant les patients, pour échapper à leur regard.

REM : Oui, c’est ça, et je pense aussi que c’est très différent d’être en présence, avec le corps. Il y a la voix, d’accord, mais l’image est dominante, envahissante, de ce point de vue. J’ai trouvé que ce n’est pas possible, en tout cas pas pour moi, de mettre en acte online tout ce qu’on peut mettre en acte en présence. Il reste l’équivoque, et la coupure. Mais c’est tout une autre chose qu’en présence.

VC : C’est ça que j’essaie d’attraper en interrogeant des analystes dans différents pays. Le geste que Lacan a fait, dans son interprétation du geste-à-peau est par exemple impossible. Davide Pegoraro et Silvia Morrone m’ont dit qu’il faudrait analyser ça, au retour des patients… Les analystes ont là tout un champ d’investigations cliniques, eux qui, plus que les psychologues et psychiatres, travaillent avec ce lien inconscient, ce lien social. C’est un travail que vous commencez à faire à Turin… J’ai pu de mon côté avoir quelques contrôles par Skype, avec Sergio Caretto, que je n’aurais pas pu avoir, mais il m’a manqué tout ce temps que je passais avant dans le train, ce trans-ferroviaire, qui est aussi un temps de travail. Je me réjouis donc de venir vous revoir pour partager cette joie, très communicative, Vous êtes virale…

REM : Dans l’échange que nous avons – au moins une fois par an après le forum européen de Turin que nous avons fait sur le thème Désir décidé de démocratie en Europe -, avec des non-psychanalystes, nous avons constaté que si on est capable de converser sans traduire toujours le discours de l’autre dans notre discours, alors les non-psychanalystes peuvent écouter avec attention ce que disent les psychanalystes lacaniens. L’année du Forum, nous avions fait à Turin aussi le Convegno della SLP, et au dernier moment, y avait participé aussi Jacques-Alain Miller. C’était le moment où il a proposé la Movida Zadig. Il est venu et il a parlé de ça et il a fait une intervention sur L’elogio degli eretici. Cette même année, en juillet, Jacques-Alain Miller est revenu à Turin pour le Seminario di Politica Lacaniana. Tous les textes du Seminario de Politica Lacaniana sont publiés par l’éditeur Rosenberg § Sellier sous le titre Politica Lacaniana (a cura di Paola Bolgiani e Rosa Elena Manzetti). Et puis il nous a proposé de réaliser le Forum européen de Turin, dont j’ai parlé, en novembre de la même année. Le Forum enfin s’est déroulé sans lui qui à ce moment-là ne pouvait pas être présent, mais en présence d’Éric Laurent et d’autres amis des Écoles lacaniennes d’Europe.

Après le Forum, nous, les Turinois on s’est dit mais nous ne pouvons pas laisser tomber comme ça ce transfert vers la psychanalyse qui s’est produit dans notre ville cette année. Il faudrait que tous les ans, nous fassions une journée, une conversation à Turin pour continuer à dialoguer avec des non-psychanalystes sur le thème du malaise dans la civilisation. Je dois dire, comme je le disais samedi, lors d’une journée que nous avons réussi à faire, avec un petit nombre de personnes en présence, que nous appelons «conversations», que nous avons trouvé un moyen d’être en dialogue, de tenir compte des signifiants de l’autre. Ce qui a eu pour effet une authentique conversation entre discours différents, mais qui pouvaient s’entendre.

VC : Jacques Borie est venu souvent aussi chez vous…

REM : Oui, c’était un vrai ami pour nous, et l’équipe directive d’une communauté pour sujets psychotiques est aussi allée pour un certain temps tous les mois à Lyon, chez Jacques Borie, faire un travail sur les cas avec lui.

VC : Il savait nous convoquer à ne pas céder sur son désir, comme Lacan, qui ne nous pas appris à. croire que ça allait marcher. Il m’a rappelée un fois à mon désir et je ne l’oublierai pas. Lacan ne vient pas non plus nous dire que ça fonctionne…

REM : C’est ça !

VC : C’est ce que nous disait Jacqueline Dhéret, qui venait d’un lieu où la psychanalyse régnait en discours du maître. Elle disait que c’est à Lyon qu’elle avait rencontré une autre psychanalyse, celle que Jacques Lacan y avait amenée quand il y était venu. C’est ce que vous disiez au début, de la transmission de la psychanalyse. Lacan a prouvé du reste que c’est en dissolvant son école qu’il nous a faits responsables de la transmission de la psychanalyse. S’il ne l’avait pas dissoute, elle serait devenue comme ça.

REM : Absolument intéressant, ça ! Et nous, l’année dernière, nous avons travaillé sur les derniers lambeaux (sprazzi) de l’enseignement de Lacan. Et c’était fantastique !

VC : J’y ai entendu Antoni Vicens, et Marie-Hélène Brousse, c’était génial ! Vous faites un travail qui résonne et je suis ravie aujourd’hui qu’on puisse faire connaître ça à d’autres, parce que vous faites de l’effet, vous êtes quelqu’un. Merci beaucoup Rosa-Elena Manzetti. Êtes-vous d’accord qu’on s’arrête là ?

REM : Oui, et merci !

VC : Merci à vous !

 

Notes :

  1. Ma che vuole l’Italia ?, I paradossi della colpa : potere, donne, corruzione, a cura di Rosa Elena Manzetti, Borla 2011, Turin.