Utile, la psychanalyse ? Conversation avec Alfonso Leo

Alfonso Leo est neuropsychiatre infantile et psychanalyste à Cesinali en Italie, membre de la SLP et de l’AMP.

Conversation avec Alfonso Leo par Violaine Clément, le 22 septembre 2021. Chacun parle sa langue, Alfonso Leo l’italien, et Violaine Clément le français, mais la rédaction du texte se fait en français.

Violaine Clément : Merci beaucoup d’avoir accepté cette invitation à une conversation.

Alfonso Leo : Grazie a lei !

V.C.: Cette conversation est possible « grâce » à la pandémie, qui permet ces échanges par zoom. J’ai entendu parler de vous par ce texte publié dans Rete Lacan au mois de juin1, texte original… J’ai pensé d’abord le traduire, mais j’ai préféré vous rencontrer. Seriez-vous d’accord de vous présenter et de dire pourquoi vous avez écrit ce texte ?

A.L. : D’abord, il faut que je vous parle un peu de mon histoire, parce qu’elle est un peu particulière. Quand je me suis rapproché à nouveau de la psychanalyse, j’étais relativement mûr, j’approchais les cinquante ans, et j’ai repris mon histoire avec la psychanalyse, grâce à la rencontre avec mon ex-collègue d’université. Lui était un jeune assistant quand moi j’étais tout près de terminer mes études, et nous travaillions dans le même champ, la neurologie. Parce que ma formation est la neurologie et la neuropharmacologie. J’ai donc une formation aussi bien en neurologie qu’en pharmacologie, et j’ai travaillé à l’hôpital en neurologie ou en neuropsychiatrie infantile, depuis quelques années. L’empreinte précédente m’est restée, comme aussi bien la confrontation avec la partie de la science, la pharmacologie, car les études que j’avais faites m’avaient amené à la recherche expérimentale en psychopharmacologie, et avaient laissé une empreinte. Mais quand on en sort, et qu’on se rend compte des limites de la science, alors on cherche une autre réponse. Évidemment, sans la trouver, j’ai trouvé en cherchant une foule de choses. Et donc, j’ai porté ce discours de la diversité, dont j’ai parlé plus tôt. Dans ce qui précédait, et qui était différent, j’ai apporté quelque chose de nouveau, de ma propre diversité, dans ce champ. Ce qui était apprécié par certains, mais, pour d’autres, comme vous le disiez, cela emblait quelque chose d’étrange.

V.C. : Un OVNI ?

A.L. : Exactement. Et j’en ai parlé aussi avec mon analyste, de ce concept d’être différent dans un contexte particulier. J’ai aussi apprécié ça, au point que, quelque deux années plus tard, j’entrais comme enseignant de psychopharmacologie dans un institut de formation pour infirmières. Je tentais de mettre ensemble l’impossible de la psychopathologie, dont j’avais espéré durant mes années de formation en psychopharmacologie, qu’il viendrait à bout de tout, me rendant compte que cela ne résolvait de loin pas tout, laissant dès lors ouvert un espace à l’inconscient.

V.C. : Je comprends mieux pourquoi votre texte m’a frappée. Quand, comme vous, on apporte un air différent, il y a des gens qui apprécient et d’autres pas. C’est tant mieux ! Cette diversité m’a fait entendre dans votre texte que vous vous intéressiez aussi à la mode… d’où vous vient cette curiosité ? Mais qu’est-ce qui a fait pour vous point d’arrêt dans la pharmacologie ? Qu’est-ce qui vous a obligé à aller chercher la psychanalyse ?

A.L. : C’est précisément cela : je cherchais quelque chose qui pouvait ouvrir plutôt que fermer les portes. La pharmacologie cherchait à fermer, à enfermer dans des certitudes, et je me rendais compte que je n’y prenais aucun plaisir. Même si pour moi, c’est un point particulier, parce que de parler aux étudiants de pharmacologie est aussi un des projets que j’ai, je suis devenu directeur de projet, j’ai saisi que mon problème, c’est que, quand je parle aux autres, tout semble clair. C’est de mettre en écriture que pour moi cela devient un problème.

V.C. : Donc quand vous parlez aux autres, c’est clair ?

A.L. : Oui, en parlant aux autres, c’est clair ; les connaissances que j’ai en psychopharmacologie, et l’expérience, ce n’est pas rien, près de quarante ans, auprès de jeunes gens, je me retrouve à parler aux autres, à intéresser les jeunes, c’est pour moi quelque chose qui me plaît beaucoup, le dialogue avec les jeunes…

V.C. : …mais quand vous écrivez et que vous lisez ce que vous écrivez, vous ne vous y retrouvez plus ?

A.L. : Je crois que c’est ça. D’une manière systématique, plus c’est ample plus c’est compliqué pour moi. Par contre, je me suis retrouvé à écrire de manière beaucoup plus simple pour des articles, sur un argument.

V.C. : C’est intéressant !

A.L. : Eh, je le sais bien !

V.C. : Cela me fait penser au titre de notre laboratoire du CIEN : Ce qui de l’inconscient s’écrit… Cette question de l’écriture me met au travail, et du reste je suis persuadée que, quand vous lirez ce que j’aurai écrit de notre rencontre, ça sera peut-être difficile. Mais c’est un pari, un scommesso…

A.L : Oui, una scommessa !

V.C. : En retournant vers la psychanalyse, aviez-vous l’impression qu’elle allait vous apporter des réponses ?

A.L. : Non ! (rires) Ce qui est la partie la plus intéressante, c’est ça ! J’arrivais à un âge qui me permettait de prendre ma retraite, mais je ne réussissais pas à lâcher. Et cette ouverture tombait bien, parce qu’autrement, j’aurais dû rester à l’hôpital. Mais je n’avais plus envie de travailler en neurologie, et quand, il y a quatre ans, on m’a proposé ce poste, ça a été une ouverture à un monde que je ne connaissais que partiellement, et qu’il s’agissait donc de remettre en jeu encore un fois. Et la psychanalyse, je crois, est un instrument utile.

V.C. : Comment la psychanalyse peut-elle être utile ?

A.L. : Parce qu’elle offre la possibilité d’élargir et non de cadrer. Je travaille avec une doctoresse qui a une formation médicale au sens classique : la classification, les tests, les rapports… Elle, par exemple, m’a délégué, ou, pour le dire autrement, nous nous sommes réparti le travail : elle s’occupe des enfants, et moi des adolescents. Parce que les adolescents vont plus facilement hors des schémas, hors des classifications. Et là, une réponse aux intérêts qui pour eux sont fondamentaux est indispensable.

V.C. : Je n’ai pas bien compris…

A.L. : (patiemment) Alors, elle s’occupe des enfants, donc aussi des problèmes liés à l’école, aux enseignants de soutien, qui doivent accueillir ceux qui ont des difficultés scolaires, mais pour elle, c’est plus compliqué, l’approche des adolescents.

V.C. : Alors que pour vous, ce n’est pas compliqué ?

A.L. : Pour moi, ça ne l’est pas : j’ai les instruments que m’offre la psychanalyse, cette ouverture, et surtout je ne cherche pas à les faire entrer dans un cadre. Je cherche à les prendre un par un.

V.C. : Oui, c’est le secret de la psychanalyse, le un par un, et ce n’est pas si facile à transmettre, parce qu’il faut tout oublier quand on reçoit quelqu’un. Et pour la plupart, les catégories, ça semble faciliter.

A.L. : Le patient qu’on essaie de mettre dans un cadre, à l’inverse, sort du cadre. S’ouvre alors un monde. De même, la contamination avec les autres techniques : nous avons introduit une quantité d’autres techniques. Il s’agissait de faire avec les familles. L’intervention avec les familles était fondamentale. Et on découvre, les familles en acceptant l’idée, que l’enfant qui vient est leur symptôme, celui de la famille. Et le discours qui en découle est : soit nous prenons en charge chaque membre de la famille, un par un, mais ce serait compliqué, ou alors on fait aussi des prises en charge de la famille à côté d’une prise en charge individuelle du jeune ou de la jeune. Et tout ça au sein d’une structure publique, à l’hôpital public. C’est quelque chose qui a un peu révolutionné.

V.C. : Et donc, les effets de votre pratique se sont fait connaître : on a entendu que vous saviez faire quelque chose ! Vous construisiez un hôpital par enfant, un peu comme ils ont fait au Courtil !

A.L. : C’est ça, mais dans une structure où ce n’est pas habituel. Parce que la structure publique est soutenue par le discours de la classification. Et alors, introduire ces éléments est devenu compliqué ; parce qu’en introduisant l’élément de l’Autre, cela bouleverse les structures hospitalières, cela amène du désordre. Nous avons vu arriver aussi des demandes d’autres domaines. Par exemple, il nous est arrivé de suivre des problèmes venus en gynécologie. Un bébé mort in utero, lors d’une grossesse, on s’adressait à nous, même si le cas n’est pas dans notre target (cible).

V.C. : Joli, ce target ! Vous vous intéressez au sujet, celui dont Lacan disait qu’il n’a pas d’âge.

A.L. : Précisément !

V.C. : C’est ça : un fœtus n’est pas encore un sujet, mais il arrive aussi qu’un enfant ne soit pas non plus un sujet, avant qu’il ne soit vraiment né comme tel. C’est vraiment intéressant. On fait donc appel à vous quand quelque chose ne va pas.

A.L. : Exactement ! Aujourd’hui, je veux transformer le service en service de psychologie clinique, et nous nous intéressons aussi à un autre sujet : le burn out. C’est quelque chose qui y est corrélé. Je me suis occupé de cela avant de m’occuper de neuropsychiatrie infantile. Durant sept ans, toujours en tant que médecin, mais en y donnant aussi une empreinte de ce type. Considérant le sujet, nous faisions des groupes, mais ensuite en les voyant en individuel. Et puis nous devrons aussi penser, quand cela se décidera, à créer un (sportello) pour les professionnels. Mais nous sommes peu nombreux pour autant de projets. (Pauca gente, tanti progetti) (rires) Un peu trop !

V.C. : Vous êtes inarrêtable ! Vous avez toujours été comme ça ?

A.L. : Non !

V.C. : C’est un effet de la psychanalyse d’ouvrir encore plus de portes ? On entend, quand vous parlez, l’énergie d’un tout jeune homme, au début d’une carrière.

A.L. : Oui ! À la période de cette rencontre, dont je vous ai parlé, rencontre que j’avais initiée par un intérêt culturel !

V.C. : Culturel ?

A.L. : Oui, parce qu’à l’époque, j’avais déjà un enseignement au Cursu di laurea per infermieri, à l’époque, je leur enseignais la pharmacologie. J’ai décidé de m’intéresser à la psychanalyse, en faire une, je voulais en savoir quelque chose.

V.C. : C’est la curiosité ! Vous avez toujours laissé votre curiosité vous pousser en avant !

A.L. : J’espère ne jamais la perdre, l’âge avançant….

V.C. : Ça m’étonnerait ! Quand je vous entends, ça m’étonnerait. Lacan regrettait de ne pas rencontrer assez de saints avec qui rire. Il nous faisait en quelque sorte devoir d’être joyeux. On ne peut pas faire ça par devoir, mais on voit bien que, je le vois aussi, qu’on ne peut pas arrêter, c’est un plaisir ! Et votre intérêt pour la mode, pour Armani, dont vous parlez dans votre texte paru sur Rete Lacan, d’où vous vient-il ?

A.L. : La mode, c’est un de mes intérêts en effet. Le cousin de ma femme a une maison de mode. Il a travaillé avec de grandes marques, Yves Saint Laurent, Laroche, puis a décidé de créer sa propre maison… Nous en avons beaucoup parlé ensemble, parce que lui, après avoir fait trois ans de médecine, qu’il a dû interrompre quand son père est tombé malade, s’est formé en France à l’Institut de la mode, et a fait un parcours intéressant. Nous avons même fait un cartel de psychanalyse et mode.

V.C. : Avez-vous publié quelque chose ?

A.L. : Il y a quelque chose qui a été publié sous Cartello, et puis nous en avons parlé lors d’une journée.

V.C. : C’est vraiment une invention géniale de Lacan, ces cartels, ainsi avec Davide Pegoraro, qui vient samedi parler comme AE à Lausanne, nous aimerions faire un cartel autour des langues dites mortes, un cartel de traduction. Pourquoi pas traduire ces grands textes qui ont servi à Lacan à nous parler d’amour, ainsi Le Banquet pour le Séminaire VIII, Antigone pour le VII, etc… Espérons avoir le temps ! On ne s’ennuie pas avec quelqu’un qui voit les choses autrement. Je dois dire que je ne comprends pas qu’on puisse s’intéresser aux médicaments, à la pharmacie, à cette précision dans le dosage qui fait la différence entre un poison et un médicament, tous deux étant des pharmaka. Y a-t-il quelque chose de ce goût pour la pharmacologie que vous retrouvez dans votre goût pour la psychanalyse ? Y a-t- il quelque chose de sinthomatique ?

A.L. : Quelle est la différence ? La différence tient en ceci, que la pharmacologie donne une réponse, qui théoriquement est précise, mais qui est en réalité absolument approximative. (rire). Je sais que c’est paradoxal : même si je sais bien que dans toutes les revues de pharmacologie, on dit que la thérapie est individuelle, et qu’il convient de l’ajuster à chaque patient de manière singulière, selon les investigations, etc… à la fin, nous avons le discours du DSM 5, qui n’est qu’un instrument pour les médicaments, et rien d’autre ! Parce que, avec toutes les différentes classifications et sous-classifications, on arrive au médicament juste pour ça, en donnant l’illusion d’avoir quelque chose qui nous donne la molécule précise, et le symptôme précis. Mais comme tous les problèmes d’une certaine approche médicale, le problème de la prescription médicale est, en fin de compte, indépendant de la cause. Comme de donner à un patient qui a de la fièvre seulement de la Stachydrine, en oubliant qu’une fièvre peut provenir de dix mille causes différentes. Cela peut fonctionner, la fièvre peut diminuer, mais si ce n’est pas le cas, après dix jours, le problème peut être une solution à la cause qui est derrière la fièvre, et qui peut être l’attaque de panique, par exemple, qui peut être en soi un remède trouvé à ce qu’il y a derrière. Parce que la fièvre, l’attaque de panique, disons, n’est qu’un remède trouvé à un problème, à l’inconfort (disaggio) auquel il s’agit de trouver un remède.

V,.C. : Oui, la fièvre est déjà une réponse, singulière. Je pense souvent à Molière, qui met en scène les médecins auxquels on faisait apprendre le latin et le grec, pour qu’ils puissent faire croire aux patients qu’ils connaissaient les causes… Ainsi le diagnostic du médecin qui dit à son patient se plaignant de maux de tête qu’il a une céphalée… Puisqu’il vous dit ce que vous avez en grec, on se dit qu’il sait des choses… (rire)

A.L. : Précisément ! J’ai depuis longtemps reçu des patients qui se plaignaient de céphalées… Alors, ils arrivaient au centre de neurologie, ainsi cette jeune adolescente, qui me dit : « Je suis allée chez mon médecin, j’avais un mal de tête, et lui m’a dit que j’avais une céphalée ! » Elle était contente, parce qu’elle avait finalement un nom, spécial, alors qu’elle souffrait d’un mal banal, le mal de tête. D’avoir une céphalée, c’était tout autre chose, c’était quelque chose d’important (rire). Ces patients qui arrivaient avec une céphalée m’ont, d’une certaine manière, poussé vers la psychanalyse, parce qu’ils m’ont appris que tout patient qui arrivait avec un symptôme, commun, apparemment banal, comme le mal de tête, pouvait être amené par quelque chose d’autre.

V.C. : Comme dans les poupées russes, je crois que vous les appelez les poupées chinoises…

A.L. : Les matriochka, ce sont des poupées russes, pas chinoises !

V.C. : C’est amusant qu’on prête toujours à un autre quelque chose qui nous ennuie, comme pour les préservatifs, que les Français appellent les capotes anglaises, les Allemands les Pariser, et les Anglais les french letters.

A.L. : Ah oui ?

V.C. : Vous faites ce que Jacques-Alain Miller appelait la politique du coucou. Vous faites le psychanalyste à l’hôpital, là où on ne vous attend pas. On est toujours le coucou dans un autre nid. Je comprends mieux pourquoi votre texte m’a intéressée.

Pouvez-vous nous dire ce que vous avez appris pendant cette pandémie ?

A.L. : C’est un argument énorme… Je me suis amusé en écrivant ce texte qui a ensuite été traduit en français sur Mental2. Le début de la pandémie a eu lieu ici. Le virus fonctionne un peu comme un inconscient, mais qui fonctionne au niveau de l’ADN. Mais cela a changé pour moi une foule de choses : le fait que je me sois mis à écrire. Et paradoxalement pas au moment du lock down (confinement), mais quand le lock down se terminait. Et j’ai continué à écrire, parce qu’on me l’a demandé. On m’a demandé d’écrire sur un journal local3, et cela m’a plu. Et on m’a proposé de les mettre sur Linkedin, un instrument que je n’avais jamais utilisé. On me disait que c’était absurde de garder cela à un niveau local. J’avais un peu honte (mi vergognava) de tout cela. Mais ça s’est fait.

V.C. : La vergogne est un beau moteur aussi !

A.L. : Je suis bien d’accord ! Et ça a été un changement de point de vue. Je me suis rendu compte que ceci a mené au meilleur et au pire. Certes, on sait que la fièvre est banale, mais je me rends compte dans la pratique clinique, de choses remarquables, des peurs, qui se sont traduites de manière étonnante dans les familles. Ainsi cette jeune fille anorexique, qui est arrivée à 38 kilos, une jeune fille d’une mètre septante, au point qu’elle a dû être hospitalisée. Le père, un obsessionnel assez important, a structuré toute sa vie sur la pandémie. Il a trouvé finalement une organisation à ses peurs d’être contaminé. Lui aussi a dû être pris en charge, à cause de la pandémie qui structurait toute sa vie. C’était devenu la raison pour laquelle il n’avait plus de contact avec personne. Et la jeune fille a trouvé ce moyen, d’une certaine manière, pour s’en libérer.

V.C. : Elle a dû être hospitalisée pour échapper à cette situation ?

A.L. : Non, elle était déjà hospitalisée, mais elle nous a été adressée ensuite pour le traitement psychothérapeutique. Les choses se sont améliorées, au point que l’autre jour, elle m’a appelé pour me dire qu’elle avait une hémorragie. En fait, elle avait ses menstruations.

V.C. : Ah oui ? Et elle parlait d’hémorragies ?

A.L. : Oui, et elle disait qu’elle n’en voulait pas. Elle disait que ça allait mieux, qu’elle réussissait à manger, expliquant ce qui lui arrive avec un rapport remarquable à la langue. Elle me dit qu’elle a finalement accepté qu’il y ait un vide. J’avais l’impression qu’elle avait lu Lacan. Elle s’exprime très bien, elle a un grand désir de s’en sortir, mais c’est cet obstacle à l’intérieur de la famille qui la bloque.

V.C. : Elle revient vers vous pour vous parler ou vous appelle-t-elle par zoom ?

A.L. : Non non, elle vient en présence. Nous avons évité le zoom. Mais elle a mon numéro de téléphone. J’ai dû faire comme ça, parce que, quand elle est en crise – c’est une jeune fille qui est à risque suicidaire, il vaut mieux avoir un canal ouvert.

V.C. : Donc seulement la voix, et pas le regard.

A.L. : Oui, elle me téléphone. Mais je la vois régulièrement, une fois par semaine, à l’hôpital.

V.C. : On devra faire avec ce virus, et je trouve que c’est plus intéressant de pouvoir parler entre nous, plutôt que d’inventer chacun sa manière de faire avec ça, tout seul. J’ai l’impression que ce réseau permet de faire entendre un bruissement, le bourdonnement d’un essaim de travailleurs décidés. En écoutant ou en lisant ce que vous faites, cela autorise plus de liberté. Merci Linkedin, qui m’a permis de vous trouver. Comme vous parlez un très bon italien, j’espère ne pas dénaturer vos propos, donc n’hésitez pas à corriger. Continuez à écrire, vous êtes très intéressant ! Merci beaucoup de cette rencontre !

A.L : J’espère qu’il y en aura d’autres !

 

Notes :

  1. Leo, Alfonso. « Psicoanalisi, moda, dpi e il discorso del capitalista », Rete Lacan, 29/05/2020.
  2. Mental 42, Alfonso Leo, « Les virus parmi nous », Considérations sur la Covid-19, p. 53
  3. On trouvera divers articles sur le lien Linkedin d’A.L.